Gilles Savary, Député de la Gironde en charge de la réforme ferroviaire à l’Assemblée nationale, ancien député européen.

12 juin 2013 | Actualités du ferroviaire

Le système de gouvernance ferroviaire prévu par la réforme vous parait-il de nature à assurer la transparence et l’ouverture ?

Il est clair – et ce fut l’objet d’un consensus dès les assises du ferroviaire en 2011 – que la France a choisi l’option d’un groupe intégré, comme l’Allemagne, avec DB, comme l’Autriche, avec ÖBB, ou la Suisse avec CFF/SBB, trois opérateurs historiques performants. Le système né en 1997 organisait la confusion entre deux entités (l’opérateur ferroviaire et le gestionnaire du réseau) juridiquement dissociées mais fonctionnellement liées, la SNCF conservant un rôle de gestionnaire d’infrastructure délégué (via la DCF et SNCF Infra). Il est urgent de rationaliser notre système, d’investir, de trouver des marges de financement, de préparer la libéralisation, de faire de la SNCF un pôle d’excellence présent à l’international. Guillaume Pepy s’est donné comme objectif 30% du chiffre d’affaires à l’international en 2017 principalement dans le voyageur. Vous comprendrez que l’opérateur historique français ne peut pas se contenter d’être « protecteur à l’intérieur » et « prédateur à l’extérieur ». C’est précisément pourquoi nous sommes dès aujourd’hui sûrs d’une seule chose: le Parlement européen votera massivement pour la dernière étape d’ouverture à la concurrence. Sur le plan de la transparence, et il appartiendra au gouvernement de décider, l’établissement « mère » du pôle public ferroviaire sera organisée sous la forme d’un EPIC co-présidé par le président de la SNCF et celui de RFF (futur président du Gestionnaire d’Infrastructure Unifié). L’autonomie du gestionnaire sera assurée. Les membres du directoire du GIU ne seront pas issus de la SNCF. Ce qui compte, c’est que RFF ne puisse en aucune façon financer la SNCF. Notons-le, ce n’est pas le cas en Allemagne où le développement de la Deutsche Bahn en Europe est en partie financé par la remontée des bénéfices de DB Netz (le réseau) au niveau de la holding. Ce qui revient, indirectement, à faire financer ce développement par les entrants étrangers! Quant au Haut Comité des parties prenantes, c’est une instance d’arbitrage où les nouveaux entrants seront présents et où il sera possible de chercher un terrain de conciliation avant qu’éventuellement l’ARAF, le régulateur, joue son rôle d’organe de règlement des différends. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès…

Peut-on accélérer la libéralisation du transport ferroviaire en France comme le souhaiterait la Commission européenne ?

La France reconstruit son système ferroviaire. Il faut éviter toute précipitation. Si l’on en croit Joachim Fried, le directeur des affaires européennes du groupe Deutsche Bahn, il faudra au moins quatre ans pour libéraliser les TER. Même la date de 2019 évoquée pour la libéralisation du transport national de voyageurs dans le quatrième paquet ferroviaire me parait déjà être un délai court puisque la deuxième lecture du texte n’interviendra au parlement européen qu’en octobre 2014 et que la loi européenne ne sera pas adoptée avant 2015. Ce qui ne nous empêche pas, bien sûr, de mettre sans tarder les parties prenantes autour de la table. Car il va falloir tout mettre à plat : les lignes à grande vitesse, les TER, les Trains d’équilibre du territoire – TET (Corail, Intercités…). Et il va falloir discuter avec tout le monde, à commencer par les cheminots qui vont devoir tirer les leçons des précédentes ouvertures. Notamment celle du fret qui a vu les nouveaux entrants prendre 25% du marché, le recul du ferroviaire public et, surtout, la création par la SNCF de VFLI, sa filiale de droit privé. Les personnels de la SNCF veulent-ils voir ce scénario se répéter? Dans cette affaire, il n’y aura pas de directeurs de conscience, mais des responsabilités qu’il faudra assumer pour l’avenir des cheminots.

Mais, justement, sur quoi peut déboucher la construction d’un “cadre social harmonisé” ?

Aucune organisation n’est suicidaire. Les syndicats savent bien qu’ils ont l’avenir du ferroviaire entre leurs mains. Il faut négocier une convention collective de branche tout en donnant naturellement à la SNCF le choix des modalités d’embauche et, notamment, la possibilité d’embaucher des personnels relevant de cette convention collective. La période est difficile. Le statut des cheminots est préservé mais si ces derniers devaient s’opposer à la mise en place de cette convention et à son application possible aux nouvelles recrues de l’ensemble du secteur ferroviaire, il leur faudra assumer le risque d’un démantèlement progressif de la SNCF par le biais d’une multiplication de ses filiales de droit privé, sans parler du déclin du fret pourtant sous transfusion publique massive. C’est l’épreuve de vérité : contrairement à la loi ORTF de décembre 2009, adoptée dans la précipitation trois semaines avant la date butoir pour la libéralisation du transport international de voyageurs, le gouvernement donne cette fois aux partenaires sociaux l’occasion de se préparer sereinement à la libéralisation du transport intérieur. Mais j’ai confiance dans la capacité des syndicats à évoluer et j’ai bon espoir que ça bouge. La première étape est bien sûr d’adopter cette loi ferroviaire. Soit la réforme ferroviaire vient vite – dès juillet – devant l’Assemblée nationale, soit elle vient tard, en janvier 2014. Nous ne sommes pas dans l’urgence. Ce que je souhaite, c’est que la loi ne se télescope pas avec les réformes difficiles de l’automne, comme la réforme des retraites, qui pourrait prêter à des amalgames destructeurs sur des sujets qui n’ont rien à voir ! Il faut être pragmatique.

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