Louis Nègre, Sénateur des Alpes-Maritimes, Président de la Fédération des industries ferroviaires (FIF)

29 avril 2014 | Actualités du ferroviaire

Comment jugez-vous le contenu de la réforme ferroviaire qui arrive en discussion au Parlement ?

Cette réforme est absolument nécessaire et va bien au delà des oppositions droite-gauche car il faut un large consensus sur le sujet. Il faut agir vite, parce que le mauvais état de notre réseau nécessite une remise à plat du système mis en place en 1997 : la création d’un gestionnaire d’infrastructure (RFF) mais qui ne dispose pas des moyens d’assumer son rôle puisqu’il délègue à l’opérateur SNCF – à travers DCF et SNCF Infra – la gestion de la circulation ainsi que la programmation et la réalisation des travaux de maintenance. Un des enjeux essentiels de la réforme est de rendre le gestionnaire de l’infrastructure pleinement responsable de cette infrastructure pour mettre le ferroviaire français à l’heure de l’innovation. Or, les contrôleurs du trafic – le centre national des opérations (CNO) et les centres régionaux – restent sous la houlette de la SNCF qui n’a ni les moyens de ces investissements technologiques, ni forcement le désir de créer de la capacité au bénéfice d’éventuels concurrents. En outre, je vous rappelle que le système est très endetté (30 milliards pour SNCF Réseau). Je ne crois pas que le rapprochement de SNCF Réseau et de l’opérateur historique SNCF soit de nature à diminuer le montant de la dette. C’est une des faiblesses du projet. En outre, il appartient au régulateur ferroviaire de veiller au respect des contrats de performances entre l’État et les EPIC ferroviaires.

Quels sont les grands enjeux de la réforme pour l’industrie ferroviaire ?

Nos industriels ont besoin que l’on crée plus de capacités et plus de valeur. Pour cela, il faut améliorer la gestion du réseau en investissant dans l’innovation et en adaptant la réglementation. C’est en fluidifiant le trafic grâce à la modernisation du système de commande que l’on pourra accroître l’offre de sillons et leur fiabilité. Je me permets d’insister sur la nécessité pour l’industrie de disposer de programmes pluriannuels, afin de donner aux entreprises du ferroviaire la visibilité de 5 à 10 ans qui est nécessaire à leurs investissements. Il convient par ailleurs d’élargir le périmètre des appels d’offres qui portent trop souvent sur des micro-prestations réalisées sous le contrôle étroit de la SNCF qui reste elle-même un constructeur, assure le montage, les essais, la maintenance et garde, in fine, la responsabilité de l’ouvrage. Ailleurs en Europe, les contrats « clés en main » sont monnaie courante. Ainsi, le gestionnaire du réseau allemand DB Netz sous-traite les aiguillages de la conception jusqu’à la mise en service et inclut même la maintenance dans le contrat. Depuis peu cependant, les contrats tendent à s’élargir. C’est la preuve de l’importance de la réforme pour les 250 entreprises de l’industrie ferroviaire française (essentiellement des PME à côté d’une dizaine de grandes entreprises). Cela souligne la fragilité d’une filière ferroviaire dépendante de commandes publiques aléatoires et qui suscite la convoitise d’investisseurs étrangers (chinois et japonais notamment) attirés par le savoir-faire de nos PME et les brevets qu’elles détiennent. L’industrie ferroviaire a aussi besoin de se concentrer. C’est dans ce but que nous favorisons le développement des regroupements d’entreprises – les clusters – de la filière ferroviaire (Pas-de-Calais, Bourgogne, Pays-de-Loire, Auvergne…). La prospérité de notre industrie dépend également d’une ouverture à la concurrence, qui générera un marché plus dynamique et plus d’investissements. Cela ne figure pas clairement dans le projet de loi et nous sommes dans l’attente d’une prise en compte de cet objectif.

Quels amendements à la réforme souhaitez-vous présenter devant le Sénat ?

Tout d’abord, l’exposé des motifs de la loi ne doit pas donner à penser que la création de RFF est à l’origine de tous les maux : la SNCF était déjà endettée bien qu’en situation de monopole et l’impasse du système est notamment due à la politique du (presque) « tout TGV ». Ensuite, on ne peut laisser entendre que la situation du fret s’est dégradée du fait de l’ouverture à la concurrence alors que celle-ci a permis au contraire d’endiguer la dégradation du secteur. L’Europe a mis le rail à l’heure de l’ouverture à la concurrence. Nous entendons déposer des amendements dans ce sens. Quant au directoire de l’EPIC de tête, nous pensons que sa présidence devrait plutôt revenir au président de l’infrastructure qui dirige le monopole naturel qu’est le réseau. Par ailleurs, il faut rendre ses pouvoirs à l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) – en particulier son avis conforme sur la tarification – et même les augmenter. Enfin, il ne faudrait pas surcharger cette entité de complexités inutiles (rapporteur public, commissaire du gouvernement, haut comité du ferroviaire…) Nous soutiendrons également l’ouverture à la concurrence dans le transport des voyageurs. C’est pour cela que nous attendons une loi claire, structurante et plus ambitieuse quant aux réformes structurelles à réaliser.

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